Ibrahima Touré est un entrepreneur acharné, engagé contre l’exclusion financière. Originaire de Côte d'Ivoire, il a été très tôt plongé dans le monde de l'entreprenariat.
Touché par l’histoire de sa mère qui a toujours subi une certaine exclusion financière, les banques jugeant son profil à risque, il s’est promis de réparer cette injustice à son égard et à celui de toutes les personnes dans la même situation. Il s’est alors lancé dans des études de droit bancaires et en 2017, il quitte sa famille pour la France afin de continuer sa formation.
C’est en rentrant à l’école 42 qu’il rencontre Nessim Rahmoun avec qui il se lie d’amitié. « On a noué une très belle amitié, il est quasiment comme mon frère ». Avec leurs prédispositions personnelles, Ibrahima pour l’entrepreneuriat, et Nessim pour des projets sociaux, ils décident de collaborer pour monter une start-up à fort impact social, Kalikan. Leur mission ? « Se substituer aux comptes en banque classiques en proposant une plateforme de financement accessible à tous sans contraintes bancaires. »
Le projet émerge d’un constat fait par Ibrahima en Côte d’Ivoire, où plus 20 millions de personnes n’ont pas de comptes bancaires et sont en situation d’exclusion financière. Pour se financer, les exclus du système se tournent vers les tontines, des “leetchis” rotatifs où l’argent est mis en commun pour se financer sans contraintes bancaires. Si au départ tout se passe bien, « à long terme ça se passe mal ! Certains ne tiennent pas leurs engagements et les autres se trouvent lésés ».
Leur solution, c’est Kalikan, une application pour résoudre les difficultés d’accès aux produits bancaires. Au départ, l’application est lancée en France et en Côte d’Ivoire. Dans l’application africaine, il est possible de se financer par des tontines, d’effectuer des transferts d’argent, et il existe aussi des solutions d’encaissement et d’achats de services locaux. En proposant une offre complète et une gamme de services diversifiée, cette application fintech adaptée aux réalités africaines permet de répondre aux besoins spécifiques de la région. Ces tontines financent la création de commerces, l’achat des fournitures, payent des études, ou bien sont utilisées comme crédits à la consommation. Mais Ibrahima désire encore décupler l’impact social de Kalikan, notamment à travers le type de projets financés par les tontines. « Pour encourager cet impact social, on réfléchit à mettre en place un prix de l’entrepreneur social. »
Ce qui différencie Kalikan des tontines classiques, c’est l’existence de plusieurs niveaux de sécurité : « On vérifie l’identité des personnes, leur comportement et capacité financière, et en fonction de ses capacités financières, l’utilisateur peut accéder proportionnellement à des montants de financement. C’est une solution de garantie qui permet en cas d’urgence de pallier son non-paiement. » L’algorithme de l’application fonctionne comme une solution de notation bancaire classique : chaque fois que l’utilisateur respectera ses engagements, il pourra dans l’avenir accéder à des pools plus élevés.
Rapidement, l’application a du succès, démontrant qu’elle répond bien aux besoins d’un marché : « On a lancé Kalikan en France vers la fin du mois de mars et actuellement, il y a environ 2 000 inscrits. En Côte d’Ivoire, nous l’avons lancé début juin et nous avons plus de 10 000 téléchargements, et 100 000 euros de transactions le premier mois. » Si Kalikan a plus de mal à tracter le marché français, c’est parce qu’il existe déjà plusieurs solutions de financement participatif bien instaurées. Alors, après avoir pivoté plusieurs fois, Ibrahima et Nessim semblent avoir trouvé la bonne voie et ont décidé de se concentrer sur l’application africaine en Côte d’Ivoire, permettant le marché français de croitre à son rythme.
Leur but pour les deux prochaines années est de pénétrer le marché ivoirien, et en fonction de leur rythme de développement, l’application souhaiterait aussi s’ouvrir au reste de l’Afrique de l’Ouest où plus de 150 millions de personnes ne sont pas bancarisées. Leur ambition est de s’exporter à l’image d’un Alipay africain, le système d’accès au crédit, de paiement en ligne et de transfert d’argent chinois développé par Ali Baba. Afin de pénétrer rapidement le marché, Kalikan prévoit de faire une levée de fonds pour financer ses infrastructures et gagner en autonomie.
Le parcours entrepreneurial d’Ibrahima n’a pas été simple, et le succès n’arrive pas tout de suite. « Il faut se préparer à être un Forrest Gump, on commence à courir mais on ne sait pas quand on va s’arrêter », dit-il. Et s’il a réussi à maintenir le cap, c’est principalement grâce à son amitié avec Nessim, son collaborateur. « C’est grâce à cette forte amitié que nous sommes là où nous sommes aujourd’hui, parce que sans cette belle amitié, alors qu’on a traversé des moments difficiles, on aurait sûrement abandonné depuis longtemps ».
Le rêve d'Ibrahima, entrepreneur persévérant, passionné et toujours en mouvement, était d'entreprendre et d'inventer une solution pour améliorer les conditions de vie des siens. Avec Kalikan, plus ce rêve se réalise, plus les autres peuvent se permettre de rêver à leur tour.
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