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Interview d’Ousmane, fondateur de Solodou


Pour son nouvel article, l’équipe de FAIRE est fière de mettre en avant Ousmane Bah, un entrepreneur de talent que nous soutenons depuis peu. L’histoire de Solodou s’inspire du parcours personnel d’Ousmane pour aider les personnes à apprendre le français.

Bonjour Ousmane, merci de répondre à nos questions ! Peux-tu nous parler un peu de ton parcours ? De quel pays viens-tu et quel est ton parcours professionnel avant ton arrivée en France ?


Je m’appelle Ousmane Bah, réfugié guinéen, arrivé en France en 2014. Pour des raisons politiques, j’ai dû quitter mon pays pour me retrouver sur le chemin de l’exil. Durant ce périple, où je suis passé par plusieurs pays, j’ai eu la chance d’enseigner le français pendant deux années dans une école primaire privée à Rabat, au Maroc. C’est là que j’ai pris goût à l’enseignement et à la pédagogie de l’enseignement. Aujourd’hui, j’utilise les connaissances acquises de cette belle expérience pour aider les personnes en situation d’analphabétisme, ici en France et ailleurs dans le monde. Tu as créé une application qui s’appelle Solodou. Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?


Solodou est une application qui aide les adultes analphabètes à apprendre à lire et à écrire en toute autonomie. J’insiste sur cette dernière expression qui est l’essence même de ce projet. D’ailleurs, cela se retrouve dans le nom : “Solo” pour seul, tiré de l’Italien et “Dou” pour faire traduit de l’anglais (faire seul). Avec le premier programme B-A-BA 1, Solodou a pu conquérir le cœur de milliers de personnes concernées par l’analphabétisme, mais également celui d’accompagnants et de formateurs dans différentes structures qui s’occupent des réfugiés primo-arrivants notamment en France, en Belgique et en Suisse.


Le concept Solodou, c’est une application et un kit contenant des manuels, permettant à l’apprenant d’être entièrement autonome dans son apprentissage. Comment ça marche concrètement ? L’apprenant utilise l’application pour apprendre les leçons (lecture et écriture) et ensuite il se sert des manuels papiers pour tester en solo ses nouvelles connaissances.


Aujourd’hui, Solodou c’est plus de 15 000 utilisateurs en France et partout dans le monde ; une quarantaine de pays touchés sur les cinq continents.


L’entrepreneuriat comporte des risques. Avais-tu envisagé la voie du salariat ou te sentais-tu entrepreneur dans l’âme ?


Quand j’ai obtenu mon statut de réfugié, j’ai d’abord fait une formation accélérée de 3 mois, en Commerce international Suivi des achats, à l’ENS de Cachan dans le 94. Mais très vite, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce qui me drivait véritablement. J’avais un projet en tête et je tenais à le réaliser pour aider les personnes dans le besoin.


Il est important de souligner que durant mes premiers mois à Paris, errant dans la rue, j’ai eu la chance d’être hébergé dans un foyer du 19ème arrondissement par une petite famille concernée par l’analphabétisme. Pour les remercier, j’ai donc commencé à leur dispenser des cours de français en alphabétisation. Et très vite, je me suis rendu compte que c’est tout le bâtiment qui était concerné par ce mal invisible.


Après ma formation, résident désormais dans le 94, j’ai décidé de lancer une application pour continuer à aider ces personnes sans être y présent ; car la distance ne me permettait plus de les accompagner dans leur apprentissage.


Quelques mois après, une fois la première version de l’application réalisée, j’ai pu obtenir un soutien de la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales) et de la CAF de Nantes, à qui je dis un éternel MERCI, car grâce à qui j’ai pu tester mon concept sur un échantillon de 200 personnes, majoritairement des réfugiés primo-arrivants répartis à travers 10 départements en France.


Tu as intégré l’accélérateur de start-up The Family pour faire grandir Solodou. Peux-tu nous dire en quoi consiste cet accompagnement et ce que tu en retires ?


Oui effectivement, j’ai eu la chance d’être accepté à The Family et aujourd’hui je peux en être fier. Je ne vous dis pas le nombre de projets qui sont recalés tous les jours, parce que soit ça manque d’ambition ou simplement que ça ne matche pas du tout avec l’état d’esprit de “ La Famille “.


Pour tout débutant, je pense sincèrement que c’est l’endroit idéal pour apprendre ce qu’est l’entrepreneuriat. Ils organisent régulièrement des grands événements et invitent les meilleurs entrepreneurs du moment (Europe / US). Ils ont également plusieurs vidéos sur YouTube pour celui ou celle qui souhaite véritablement apprendre à entreprendre.


Grâce à The Family, j’ai réussi ma campagne de financement participatif alors que je recherchais 20K€ pour démarrer véritablement le premier programme. Avec cet argent, j’ai pu produire 1 000 kits qui ont été distribués à une trentaine d’associations en France, en Belgique et en Suisse. Ce qui m’a permis de tester mon concept à une plus grande échelle et de pouvoir recueillir des informations très pertinentes pour avancer sur les programmes suivants.


Aujourd’hui, je passe à la seconde étape qui est la levée de fonds. Je suis conscient que c’est une étape très difficile quand on vient de loin et que l’on est différent ; mais crucial si on veut bâtir quelque chose de solide et de grand. Et donc, je reste serein et confiant sous les ailes de The Family. Ne dit-on pas que la persévérance finit toujours par payer !


Tu es également parmi les 3 premiers entrepreneurs soutenus par FAIRE. Qu’attends-tu de ce soutien et que représente-t-il pour toi ?


C’est une grande chance que celle d’être soutenu par le fonds de dotation FAIRE et je peux même dire que c’est un honneur !


D’ailleurs, je profite de l’occasion pour remercier très sincèrement, l’ensemble du Board et son président Mr Nick Nopporn Suppipat, sans oublier Kristina et Amandine qui m’ont offert cette belle opportunité. Je n’oublie pas de remercier au passage Mr Arnaud Barré qui a fait la mise en relation.


Je croise fort les doigts que ceci soit la première étape d’un soutien solide, plus grand et durable. Vu la dimension du projet et la vision que je porte pour celui-ci, l’entrée au capital de Solodou par FAIRE ou son président Nick Nopporn Suppipat serait la bienvenue.


Au-delà, des conseils et accompagnements de l’ensemble du Board, puis une ouverture de son réseau pour toucher de nouveaux marchés, seraient également très appréciés.


Comment imagines-tu l’évolution de Solodou ? Quels sont tes plus grands challenges pour son développement ?


Je suis d’accord que l’on parle bien d’alphabétisation ; mais les gens ne se rendent pas compte de tout le potentiel, de tout ce que l’on pourrait faire pour aider ces personnes en situation d’analphabétisme.


Tout en mettant l’accent sur la mission de Solodou, qui est celle de réduire de moitié l’analphabétisme dans le monde, mon rêve est de faire de Solodou une licorne française de l’EdTech. Certains me diront : “ tu peux encore rêver “ ; mais comme ça ne fait pas de mal de rêver, alors je me le permets en toute humilité.


Et pour réussir ce pari, je veux bien compter sur les acteurs qui m’accompagnent et me soutiennent déjà pour franchir les premiers paliers, qui sont les plus difficiles pour tout débutant : à savoir la levée de fonds en Seed, la constitution d’une bonne équipe technique aussi ambitieuse et la conquête du marché français puis européen.


Si tu avais un conseil à donner à un réfugié qui souhaite devenir entrepreneur, quel serait ce conseil ?


Mon premier conseil serait de rêver grand et d’être toujours dans l’action ! Oui, permettez-vous de rêver grand et tâcher de le réaliser ! Ainsi, à défaut de toucher la lune, vous atterrirez peut-être sur une étoile. Il y a une excellente vidéo sur YouTube de David Laroche qui résume bien cela, dans laquelle il parle de “ Distorsion de la réalité “. D’ailleurs, j’exhorte fortement toute personne qui doute encore de ses propres capacités à aller la voir “ Quand l’impossible devient possible ! “.


Le deuxième conseil que j’ajouterai est la persévérance. N’abandonnez jamais quand vous avez trouvé votre Leitmotiv ou ce qui vous drive pour aller de l’avant.


Et je finirais par ce troisième conseil qui est celui de toujours bien s’entourer. S’entourer des meilleurs pour espérer devenir comme eux. Ne surtout pas perdre son temps avec des personnes qui ont tendance en permanence à nous tirer vers le bas.

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